Gratuit, allant annuellement au devant de son public, il n'est pas une compétition sportive au monde qui ait suscité et suscite encore autant de passion que le Tour. On la suit, on la collectionne, on la revit. Les histoires de spectateurs amoureux fous du Tour ne manquent, aucune n'est pourtant aussi touchante, aussi vraie, aussi forte que celle de Jean Traclet.
Agé de 68 ans au moment du tournage, cet ancien représentant en vins fins ne vit et ne respire, en effet, que pour et par le Tour. Une véritable vocation qui s'est déclenchée avant guerre, lorsqu'il était lycéen et découvrait en dévorant "L'Auto", l'ancêtre de "L'Equipe", les prouesses des Maes, Bartali et autres Lapébie. Le soir, religieusement, il faisait brûler une bougie devant l'image de ses champions préférés. Dès qu'il a été en âge de gagner sa vie, il a suivi les géants. Ses géants. Sur le papier, mais à la trace aussi. N'ayant pas le permis de conduire, et pas d'auto, c'est en train, voire à vélo, couchant dans une grange ou à la belle étoile. Dans ses cahiers, il note tous les classements, tous les détails. Avec son ami Jean-Guy Modin, à Sarlat, le reste de l'année, il ressuscite les Tours d'antan dont il connait les classements par coeur. Qu'un coureur disparaisse, connu ou pas, il traverse la France ou la Belgique pour l'accompagner à sa dernière demeure. Jean a la fièvre jaune. Il aurait aimé être journaliste à "L'Equipe", il se console en relatant longuement dans les revues chères aux collectionneurs ses rencontres avec ses héros.
Son rêve ? Suivre un jour le Tour dans une voiture officielle. de l'intérieur. Il n'a jamais osé le demander. Cette année-là, c’était son cinquantième Tour de France! Sa cinquantième croisade!